La danse classique et ses blessures invisibles à l’Opéra de Paris.

La danse classique est une discipline exigeante, sollicitant intensément le corps et l’esprit des artistes. Un danseur de l’Opéra de Paris peut effectuer parfois une centaine de représentations par saison, hors cours et répétitions. Dans l’émission Le grand Atelier sur France Inter, Hugo Marchand parle de la gestion de la douleur et des blessures comme de l’aspect le plus difficile de son métier. Il a par ailleurs entamé une psychanalyse dès l’âge de neuf ans. Guillaume Diop avoue au micro de Rebecca Manzoni avoir caché une douleur extrême pour conserver son rôle principal dans un ballet alors qu’il avait une fracture de fatigue. Il en gardera des séquelles douloureuses à vie.

Depuis 2015, à la demande de Benjamin Millepied, directeur du ballet de l’Opéra de Paris, l’institution a mis en place une équipe médicale spécialisée pour assurer une prise en charge globale et multidisciplinaire des danseurs de la compagnie. Ce Pôle Santé vise à prévenir et réduire les risques de blessures, tout en offrant un accompagnement psychologique spécifique aux danseurs. Germain Louvet explique « Une fois sur scène, j’ai eu une déchirure au mollet, une lésion de quelques centimètres pendant le spectacle. C’est assez traumatisant, c’est à ce moment là que l’accompagnement psychologique vient faire effet. On soigne alors ce que l’on appelle la kinésiophobie, c’est-à-dire la peur de retourner dans le mouvement qui nous a blessé ». Peu de temps avant ses adieux, dans l’invité du jour sur France Musique, Mathieu Ganio regrette ses barrières psychologiques induites par les blessures à répétition. Il aurait aimé s’en libérer.

Ludmila Pagliero répond sur France Info à Valérie Gaget à propos de la peur que peut entrainer une blessure chez le danseur professionnel : « C’est toujours important parce que cela nous stoppe dans notre élan. On sait qu’un arrêt, même après une simple entorse, aura des conséquences. Pour la cheville et pour le mollet et la cuisse avec une perte de force musculaire. Il faudra réapprendre à donner l’information au pied pour qu’il se place de façon correcte sans se tordre. Il y a tout un travail mental à faire pour retrouver aussi l’assurance, la confiance en soi. Notre carrière est très courte. Quand on est au top de notre niveau physique, il y a une sensation très plaisante de facilité. Quand on demande quelque chose à notre corps, il répond. La machine fonctionne parfaitement. Quand on se blesse, il faut la remettre en route et elle ne fait pas toujours les choses comme on le voudrait. On a la sensation de perdre un créneau. »

Face aux exigences physiques et psychologiques extrêmes imposées aux danseurs de l’Opéra de Paris, le Pôle Santé joue un rôle fondamental. Il rappelle que derrière la beauté du geste et les prouesses sur scène, il y a des êtres humains — vulnérables, passionnés, résilients — dont la santé physique et mentale est éprouvée.

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