Zuzana Licko est une figure incontournable du design typographique contemporain. Née en 1961 en Tchécoslovaquie et arrivée à l’âge de sept ans aux États-Unis, elle a cofondé, avec son mari Rudy VanderLans né en 1955 aux Pays-Bas, la fonderie Emigre Graphics en 1984. Leur entreprise a révolutionné le paysage de la typographie numérique.

« Je suis née à Bratislava, à l’époque où le pays était encore sous le régime communiste, et j’avais sept ans lorsque ma famille a émigré à San Francisco, en Californie. Lorsque je suis entrée à l’école primaire aux États-Unis, j’apprenais une deuxième langue et des coutumes à l’école, tout en conservant la langue et les coutumes slovaques à la maison. Cela m’a fait prendre conscience des différences et m’a donné le point de vue d’un étranger. C’est probablement ce qui a formé ma tendance à remettre les choses en question, et c’est cette remise en question des idées préconçues qui m’a attiré vers la profession de designer. »
Emigre est née avec l’essor de la PAO : le premier Macintosh de la société Apple sort la même année, en 1984 (le n°11 d’Emigre Magazine est exclusivement consacré aux Macintosh), le langage PostScript date de 1982.
À une époque où les ordinateurs étaient encore rudimentaires pour le design, Zuzana Licko a su exploiter les limites techniques pour créer des polices avant-gardistes inspirées par l’affichage pixélisé des typographies à l’écran. Parmi ses créations les plus emblématiques, on retrouve Oakland, Emperor, Lo-Res, qui reflètent son approche expérimentale, ainsi que Mrs Eaves et Filosofia, inspirées respectivement des caractères Baskerville et Bodoni, qui démontrent sa maîtrise des formes classiques revisitées.
En tant que femme dans un domaine historiquement dominé par les hommes, Zuzana Licko a ouvert la voie à de nouvelles générations de typographes. Son travail visionnaire a profondément marqué le design graphique et continue d’inspirer celles et ceux qui veulent repousser les limites de la typographie.
Le caractère Mrs Eaves, avec sa hauteur d’œil légèrement aplatie et ses incroyables ligatures calligraphiques, demeure éternellement inspirant. Il doit son nom à Mrs Eaves, ancienne maîtresse du typographe John Baskerville. Le choix du nom de Mme Eaves rend hommage à l’une des femmes oubliées de l’histoire de la typographie.



